10 Juin 2020
Transports en Île-de-France : il est grand temps de confiner la
dérégulation et de déconfiner le service public
Alors que la crise sanitaire n’est pas encore terminée et que les transports collectifs, notamment en Île-de-France, connaissent une situation difficile du fait de l’impératif de distanciation physique, les autorités ne trouvent rien de plus urgent que de préparer activement l’ouverture à la concurrence. Ainsi, à la fin de ce mois de juin 2020, Île-de-France Mobilités prévoit l’audition (par vidéoconférence !) des opérateurs de transport souhaitant répondre à l’appel d’offres prévu en 2021 pour l’ouverture à la concurrence du réseau ferré de la région capitale. « L'objectif est de recueillir un maximum de données concernant les besoins techniques, logistiques et financiers et leurs incidences sur le choix des premières lignes et lots de lignes ouverts à la concurrence. », nous précise-t-on. Les besoins des usagers confrontés depuis des années aux conséquences désastreuses des choix de sous-investissement ferroviaire dans le cadre de politiques du tout-routier attendront, ni les cheminots de la SNCF, ni les agents de la RATP qui connaissent le réseau francilien ne sont invités à s’exprimer pour l’améliorer, mais les besoins, y compris financiers, des opérateurs impatients, non de développer le transport ferroviaire et d’en accroître la part modale, mais de conquérir des parts de marché au détriment de l’opérateur historique, seront examinés avant même le retour à la normale dans les Transiliens ! Île-de-France Mobilités appelle également les candidats à « présenter des scénarios visant à améliorer la qualité de service, le dynamisme de certaines lignes et à réduire les coûts unitaires » : comment croire un instant à l’amélioration de la qualité de service avec une réduction des coûts, alors que les sociétés privées doivent, à la différence du service public, rémunérer des actionnaires, et que la procédure d’appel d’offres engendre un surcoût administratif considérable par rapport au maintien de l’opérateur historique ? À moins que la réduction des coûts ne s’effectue au détriment des cheminots, ce qui ne pourrait qu’avoir aussi des conséquences négatives sur les usagers, sachant que la conduite de train fait déjà partie des métiers « en tension », nécessitant une formation longue et rigoureuse – à moins d’hypothéquer la sécurité des voyageurs…
Pourtant, le gouvernement, en plein confinement, a relancé les travaux du Charles-de-Gaulle Express, montrant qu’il ne craint pas de dépenser lorsqu’il s’agit de promouvoir un train des riches au détriment des trains du quotidien alors que dans le même temps la mise en place du système NEXTEO (système d’exploitation des trains RER B et D) est reportée ainsi que la livraison des nouvelles rames (MING) pour la ligne B du RER !
Un tel cynisme va à l’encontre de l’aveu du chef de l’État, à qui la crise sanitaire a appris en mars dernier que les lois du marché ne pouvaient ni ne devaient répondre à l’ensemble des besoins de la nation. Pourtant, le réseau ferré francilien constitue un cas d’école de bien public fondamental dont la gestion nationale hors des lois du marché serait cruciale : il s’agit d’un réseau où les circulations ferroviaires sont particulièrement denses, avec de nombreux types de trains très différents (voyageurs, de la très courte à la très longue distance, fret, travaux…), où converge la majorité des circulations ferroviaires de notre pays. Le découpage des lignes de voyageurs régionales en lots attribués à des opérateurs potentiellement différents constitue une aberration qui entraverait le bon fonctionnement de l’ensemble du réseau ferroviaire français. La Convergence Nationale Rail rappelle son opposition à la concurrence ferroviaire et exige le retour à un service public unifié, la SNCF, sans impératif de rentabilité, destiné à répondre aux besoins de la nation, et doté d’un vaste plan d’investissements (avec créations d’emplois suffisantes) afin de faire face aux enjeux de la transition écologique, de la réindustrialisation de la France et d’un aménagement harmonieux du territoire.