8 Juin 2021
Nous faisons suite à un courrier qui nous interpelle sur nos souhaits concernant les lignes normandes secondaires. Pour nous, il n’y a pas de lignes secondaires, il n’y a que des lignes structurant les territoires et que l’on peut désigner comme des lignes de vie !
Tout d’abord, Nous voudrions rappeler que la création de notre collectif citoyen s’est faite sur la base de la contestation de la politique libérale de Mr Morin qui, dès son arrivée, a commencé par supprimer le TER Argentan Granville et son retour au quotidien. Puis par la suite, il prévoyait de supprimer 6 allers et retours en Caen-Le Mans-Tours et 1 aller et retour sur Caen-Rennes. Et forcément, dans une démarche écologique qui lui est chère, il transférait ces trains sur la route. Ce qu’il a fait pour partie. A titre d’exemple, il n’a pas hésité à remplacer 120 km de train entre Granville et Rennes par 600 km de bus sans compter les retours à vide le dimanche soir. Il s’avère que dans le même temps sévissait le projet de loi LOM qui aller amener au démantèlement de la SNCF en 5 société anonymes et la casse du statut de cheminot pourtant indispensable à garantir l’efficacité du service public. Notre collectif a soutenu la lutte des cheminots et a organisé conjointement avec leurs syndicats, un rassemblement au Havre en juin 2018 lequel a réuni près de 800 personnes. Dans le même temps, notre collectif a organisé de nombreuses manifestations dans les gares pour d’une part s’opposer à la fermeture des guichets, et d’autre part maintenir les trains existants.
La mobilisation des cheminots a permis de faire céder le gouvernement au moins sur un point, celui concernant la reprise de la dette. Cette dette qui obérait depuis de très nombreuses années l’activité de l’entreprise et au nom de laquelle les gouvernements successifs ont organisé la casse du service public pour répondre aux directives libérales de la commission européenne au nom du rééquilibrage des comptes. Il n’était donc pas étonnant de se retrouver avec un réseau d’une moyenne de 35 ans d’âge pour l’ensemble des infrastructures et où plus de 4000 km de voies subissaient des ralentissements importants
Sur plusieurs mois de mobilisations, nous avons réuni plus de 12 000 pétitions et reçu le soutien de nombreux élus plutôt situés à gauche, les autres se contentant de nous répondre qu’ils feraient suivre…
Notre combat a trouvé une issue positive lors du rassemblement devant le conseil régional le 10 octobre 2019 où Mr Morin nous a reçu une trentaine de minutes pour nous dire que ce n’était que des malentendus. Il a quand même concédé le retour 11 train sur 12 sur Caen Tours à l’exception d’un seul qui est remplacé par un bus et sur Caen Rennes, il a remis un train entre Caen et Granville et un Bus entre Granville et Rennes. Pour bonne partie, nos propositions ont été retenues pour assurer des correspondances vers le TGV au Mans et la possibilité de faire 2 allers et retours entre Rouen Alençon au quotidien. Autre fait important, et non des moindres, il a abandonné le projet de libéralisation du transport ferroviaire sur la Normandie et annoncé la signature de la convention avec la SNCF pour une durée de 10 ans. Forcément cela n’est pas pour plaire aux adeptes de la libéralisation et notamment à ce gouvernement qui a décidé de concéder des lignes notamment par appel d’offres vers le privé. Force est de constater que pour les lignes Nantes Bordeaux et Nantes Lyon etc., c’est un échec patent, non pas que les entreprises privées ne s’y intéressent pas, mais jugent que ce n’est pas suffisamment rentables et exigent de nouveaux cadeaux de l’État pour accroître leur marge opérationnelle, euphémisme pour désigner le rendement pour les actionnaires.
Nos dernières actions ont porté sur des horaires inadaptés mis en place sur Caen-le Mans-Tours pour les salariés et les lycéens et les étudiants.
Tout dernièrement nous avons réussi par de nouvelles mobilisations à remettre des horaires adaptés aux besoins sur Caen Alençon et le retour d’un train Caen-Rennes le Vendredi et le Dimanche soir.
Cependant, nous revendiquons également un train dans le sens Rennes-Caen pour la fin de semaine et le retour du troisième aller et retour sur Caen-Rennes.
Seule ombre au tableau : malgré les engagements de Mr Morin auprès des élus à prendre en compte la demande sur Paris Granville d’arriver plus tôt à Paris et à Granville (revendications portées par le collectif et validées par de nombreux maires), ce point n’a pas toujours pas trouvé de solution lors de la dernière réunion organisée par la Région. Et pourtant cela ne coûte rien ! Mais c’est un combat que nous allons maintenir, car il est indissociable de l’amélioration de la desserte des territoires du Sud Manche.
A l’exception de Vire où la forte mobilisation de la population a permis de conserver un guichet, force est de constater que la casse continue et que les remplacements pour congés de maladies ou pour congés annuels ne sont pas effectués. Ainsi, des guichets demeurent fermés pendant plusieurs jours et même parfois jusqu’à 15 jours (actuellement Flers). Cette situation scandaleuse est rarement dénoncée par les élus et ces derniers sont dans l’acceptation, la résignation, plutôt favorables pour développer les maisons de services qui consacrent la fin des services publics.
Pendant la pandémie, notre action a consisté à maintenir le plus grand nombre de trains. Il faut dire que sur les axes bas normands, nous avions été particulièrement soignés puisque nous n’avions que 25% de trains sur Paris Granville et alors que dans le même temps il n’y avait plus du tout de train entre Granville et Rennes. Là aussi, nos actions et notre détermination ont permis un retour presque à la normale.
Nous allons poursuivre notre action pour que le train qui circule à vide le lundi matin soit ouvert au service voyageurs et permettre aux lycéens et étudiants de partir de Paris à 6H30 et arriver à Granville vers 9h30. Nous réclamons également un TER quotidien dans les deux sens entre Argentan et Granville le matin et le soir et la mise en place de navettes le matin et le soir pour rejoindre Rennes avec correspondances à Dol, le retour des Granville-Dinan-St Malo, notamment l’été, pour assurer une véritable relation vers le Mont-Michel et la Bretagne.
Sur Caen le Mans Alençon nous demandons également un autre train le soir pour passer d’une heure à la demi-heure entre 17h00 et 18h00 au départ de Caen
Notre collectif s’investit dans une démarche prospective et est porteur de plusieurs projets notamment dans la redynamisation du fret autour du transport des produits frais laitiers et carnés. Nous sommes porteur avec la Convergence Nationale Rail d’un projet de reconquête du service public ferroviaire (document : « préservons la planète ») pour répondre à l’urgence climatique qui grandit et dont le train doit être un élément structurant d’une nouvelle politique des transports, eu égard ses vertus environnementales. Ainsi nous ne nous arrêtons pas à ce seul aspect et il est important de remettre en cause la stratégie libérale qui domine l’économie et que le gouvernement actuel ne remet pas en cause voire l’accélère puisqu’il continue à donner corps aux différents traités économiques CETA et Mercosur qui ne peuvent que continuer à multiplier les échanges, tout en affaiblissant notre industrie et notre agriculture…
Autre point tout aussi important, les milliards consacrés à la fausse bonne solution de la voiture électrique qui, à elle seule, est une véritable catastrophe écologique. Pourquoi toujours privilégier la solution individuelle de l’automobile au détriment du renforcement des transports collectifs si ce n’est pour continuer à favoriser les grands groupes automobiles pour le plus grand bien de leurs actionnaires. En quoi une voiture électrique qui pèse plus de 500 kg qu’un modèle à essence est-elle moins consommatrice d’énergie ? En Allemagne, il faut 160 000 km pour l’amortir en raison de l’utilisation d’énergie carbonée et en France 60 000 km. Ne parlons pas des métaux rares et de leur exploitation, tout comme celle des salariés et des enfants… Combien de dizaines de milliards vont y être consacrés dans les prochaines années ?
Et si ces sommes étaient consacrées au développement du train, des tramways, des TER, etc. cela permettrait de prendre une véritable orientation écologique. Ce n’est pas le cas !
L’hydrogène est à l’ordre du jour. Une expérience est menée en Région Occitanie où elle présente l’avantage d’une production verte. Des matériels ferroviaires construits par Alsthom circulent et offrent des solutions alternatives quand le réseau n’est pas électrifié. Pour autant, il n’est pas possible de produire des locomotives de forte puissance (4 à 6000 CV).
Actuellement, la recherche sur l’hydrogène est essentiellement orientée pour développer de nouveaux types de camions, notamment pour maintenir la part de marché qui représente plus de 75% du fret actuel et qui, dans les 10 prochaines années, permettra à la route, si rien n’est fait, devoir sa part croître de 70 à 80 milliards de tonnes/kilomètres. Ces orientations permettent de penser que non seulement la situation ne va guère changer mais qu’elle va surtout continuer de se dégrader du fait des choix politiques actuels. Alors que la route est responsable de 42% des gaz à effets de serre, les mesure prises relèvent plus de l’homéopathie que d’un véritable choc pour renverser la tendance.
Pour nous, la solution consiste à poursuivre l’électrification du réseau, car il manque de nombreux maillons qui ne permettent pas de faire circuler des trains de fret entre le Nord et le sud-Ouest de la France, notamment la partie Oissel-Serquigny et Mézidon-le Mans… Électrification qui permettrait d’uniformiser les différents matériels lesquels pourraient circuler sur tout le réseau Normand. Pour ce faire, il est nécessaire de poursuivre l’électrification de St-Lo à Dol et de Dreux à Argentan dans un premier temps, puis de poursuivre vers Granville avec le retour de l’activité fret.
En ce qui nous concerne, nous ne croyons pas aux vieilles lunes de l’apolitisme ; l’expérience montre que sous les mots se cache souvent un cheval de Troie qui masque la réalité des choix qui sont loin d’être favorables à l’ensemble de la population pour que rien ne change finalement. Ce qui participe au maintien d’un système politique de plus en plus rejeté.
Voilà, résumé en quelques lignes, nos motivations et notre choix de défense du service public ferroviaire. Cela n’est pas près de s’éteindre au vu de la situation actuelle et continuera à nous mettre sur le chemin de l’action et des luttes pour porter un véritable projet d’une entreprise SNCF intégrée, rénovée et modernisée pour servir l’intérêt de la population et de l’environnement. Certes, nous avons encore du chemin à parcourir, mais c’est la réalité de toute action citoyenne et engagée au service de l’intérêt général et d’une société de progrès qui rend compatible la justice sociale et les attentes environnementales.
Philippe Denolle
Pdt du collectif citoyen des axes Sud Normandie
Vice-Pdt de Convergence Nationale Rail