Ce blog sert de journal à notre collectif citoyen créé à Argentan (Orne) par des cheminots et des usagers pour la défense du service public ferroviaire dans le sud Normandie. Il rend compte des déclarations, des actions de ce collectif auprès de la population et des élus. Il présente aussi des réflexions pour la défense du service public.
16 Juillet 2022
Le transfert route-rail : une urgence et un enjeu majeur pour les décennies à venir.
Les transports génèrent 35 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais tous les moyens de transport ne sont pas équivalents en termes de pollution : un train utilisant une énergie non-carbonée émet 50 fois moins de CO2 qu’une voiture pour le même voyage, et 80 fois moins qu’un avion. Or, 85 % des déplacements se font en voiture et 85 % des transports de marchandises se font en camion.
Le transfert modal de la route vers le rail est une urgence et un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique.
Cela nécessite de prendre 3 grandes décisions politiques :
Il faut revenir à une seule entreprise publique intégrant la production, l’entretien du réseau ferré et son exploitation commerciale aussi bien pour les voyageurs que pour le fret. Cela est compatible avec les traités européens, car le transport public ferroviaire est un service d’intérêt économique général (SIEG). Actuellement, la Belgique renationalise son transport ferroviaire, l’Espagne et l’Angleterre mettent la question en étude. La France a, au contraire, éclaté la SNCF en 5 sociétés anonymes, instaure de la concurrence uniquement pour ce qui est rentable (l’exploitation commerciale de lignes), régionalise la gestion et crée sur le territoire des discontinuités de services et de tarifs, et réduit en peau de chagrin le fret ferroviaire.
Il faut augmenter le niveau d’investissement pour que le réseau puisse accueillir de nouveaux voyageurs ou de nouveaux transports de marchandises. L’Allemagne vient de décider un plan d’investissement de 86 milliards sur 10 ans, l’Italie de 179 milliards sur 10 ans et la France de 23 milliards sur 8 ans, alors que la SNCF elle-même estime les besoins à 66 milliards sur 10 ans.
Il faut une tarification plus attractive, plus simple, unique sur le territoire national (le même prix au km où que l’on habite). L’Allemagne fait le test d’un abonnement à 9 euros par mois pendant 3 mois, sur les lignes régionales, hors lignes GV. En France, outre la multiplicité des tarifs (selon les régions et les entreprises en concurrence), la complexité des délivrances de billets avec d’excessives dématérialisations, la fermeture des guichets, les incessants changements de tarifications sont une incitation à ne pas prendre le train.
La France a fait le choix du tout routier. Quand on prend le train, on amortit le coût de l’infrastructure par le prix du billet ; quand on prend la route (hors péage), on n’amortit pas l’infrastructure routière : la comparaison du coût entre la route et le rail ne prend pas en compte les mêmes éléments et notamment les coûts externes du transport routier : accidents (50 milliards), décès liés à la pollution (50 000 morts par an avec un coût de 100 milliards), retards, dégradation et entretien du réseau etc.
Cette obsession routière est très imprégnée dans notre culture.
Elle peut conduire des politiques à des décisions peu judicieuses. Ainsi le passage en 2 x 2 voies sur 20 km entre Sevrai et Briouze va coûter 120 millions d’euros, 125 hectares de terres agricoles supprimées, 20 km de haies abattues.
Cela permettra sur ce tronçon où la circulation est fluide de passer de 90 à 110 km/heure, c’est-à-dire de gagner 3 minutes au maximum pour les voitures et moins d’une minute pour les camions. Au mieux, le parcours se ferait en 40 minutes contre 26 minutes avec le train. Le jeu, en vaut-il la chandelle? Mais les faits sont plus têtus que les invectives puériles du député de la circonscription.
Pendant longtemps on a pensé que le développement des infrastructures routières allait permettre le développement économique et l’implantation d’entreprises. A l’expérience, cela ne se vérifie pas, que l’on songe à Alençon, à Sées ou Argentan. D’autres données aujourd’hui semblent plus importantes : l’équipement numérique, les structures de formation, les services publics (santé, éducation, culture), et les coopérations locales interentreprises.
L’entretien du réseau routier n’en demeure pas moins nécessaire pour améliorer la sécurité, notamment les créneaux de dépassement, les contournements de bourgs, comme dans le cas de la RN 12. Mais il est regrettable que pour y parvenir, les collectivités locales doivent se substituer à l’Etat dont c’est la compétence (la RN12 est une route nationale et non départementale).
Si l’on veut améliorer la qualité de vie dans nos territoires, ce n’est pas avec plus de routes mais avec de meilleurs services et à cet effet le train permet d’y contribuer notamment pour les scolaires et les salariés :
Sur Argentan – Granville, la création d’un TER dans chaque sens avec un arrêt à Ecouché et à Saint-Sever le matin et le soir serait plus utile pour les jeunes et les salariés qu’une 2x2 voies Briouze-Sevrai
Sur Le Mans –Alençon – Argentan – Caen, il faudrait 2 trains de plus, cadencés à ½ heure, le matin de 7 h à 9 h et le soir de 17 h à 19 h.
Le 13 juillet 2022
François Tollot
Vice –Président du Collectif Citoyen
de défense des axes ferroviaires sud Normandie