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Ce blog sert de journal à notre collectif citoyen créé à Argentan (Orne) par des cheminots et des usagers pour la défense du service public ferroviaire dans le sud Normandie. Il rend compte des déclarations, des actions de ce collectif auprès de la population et des élus. Il présente aussi des réflexions pour la défense du service public.

PRESENTATION DE LA SITUATION DU RAIL ET DE LA SNCF PAR LE COMITE DE VIGILANCE FERROVIAIRE

PRESENTATION DE LA SITUATION DU RAIL ET DE LA SNCF PAR LE COMITE DE VIGILANCE FERROVIAIRE

Montreuil, le 25 février 2021

RÉUNION DU 17 FÉVRIER 2021
PRÉSENTATION DE LA SITUATION

1 Situation économique

Impact Covid :

Les suppressions de trains lors des confinements et la baisse de fréquentation (de l'ordre de 35 %) ont conduit à un Chiffre d'Affaire 2020 en baisse de 7 milliards d'euros par rapport au budget. Après les mesures d'économie, la marge opérationnelle 2020 est en recul de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2019.

La politique du « tout TGV » révèle ses limites avec cette pandémie puisque les mesures sanitaires (notamment le télétravail) le font plonger plus que les autres (40 % pour les TGV classiques et jusqu'à 95 % pour les TGV internationaux Eurostar et Thalys).

Or le TGV représente 60 % des recettes commerciales de SNCF Voyageurs et 70 % des péages perçus par SNCF Réseau. Donc, quand il est en difficulté, tout le système bâtit par les réformes successives depuis 1997 s'effondre.

 

Plan de relance :

Le gouvernement a affiché des chiffres importants pour servir sa communication, mais les aides réelles ont été extrêmement limitées

1- Une recapitalisation de 4,7 milliards dont le montant réel est de 4,05 milliards, le reste étant autofinancé par la SNCF, dont le montage n'amène pas de cash immédiat, mais s'étale sur 4 ans, et qui recoupe 3 sujets différents :

  • 2,3 milliards (soit environ 600 millions d'Euros par an uniquement fléchés sur SNCF Réseau et qui viennent temporairement se substituer au mécanisme de "dividende" instauré par la réforme de 2014 et renforcé par celle de 2018. Pour mémoire, ce mécanisme a permis au Gouvernement de ne pas apporter de resource supplémentaires à SNCF Réseau pour financer la hausse des travaux de régénération, c'est donc SNCF Voyageurs qui ponctionné pour cela. Avec la crise, SNCF Voyageurs ne sera pas capable de dégager l'excédent nécessaire. Le plan de relance permet dont d'assurer cette ressource pour 4 ans. Mais cela ne compense pas les pertes de péages.
  • 1,5 milliard d’euros (soit environ 400 millions d’euros par an) inscrits au plan de relance, mais qui financent en réalité des sujets antérieurs à la COVID : le surcoût lié à l'interdiction du glyphosate, la facture d'entretien des ponts routiers liée à la loi Didier, etc.). Cette mesure temporaire vient compenser des problèmes pérennes ;
  • 0,25 milliard d’euros inscrits au plan de relance, mais liés à un arbitrage sur le financement de travaux sur les petites lignes.

L’État n’assume pas complétement son rôle et pourrait laisser la SNCF se débrouiller par elle-même au-delà des 4 ans.

2- L'application à la SNCF du dispositif de droit commun sur le chômage partiel, soit 193 millions d’euros attendus en 2020. Plutôt que d'attribuer une subvention à son entreprise publique, l'État choisit donc de financer la baisse d'activité ferroviaire ! Chaque heure de chaque agent doit être décompté, ce qui génère un processus bureaucratique énorme.

Orientation 2021 :

La décision la plus grave du Gouvernement est d'imposer à la SNCF le maintien de la trajectoire financière du Pacte ferroviaire de 2018, comme si la crise économique n'avait pas d'importance.

Les décisions de l'entreprise publique découlent de ce choix politique :

  • Dette : au 31 décembre 2020, la dette a atteint 38,1 milliards d’euros (25 milliards ont été repris par l’État conformément aux engagements lors du conflit de 2018, mais 2,8 milliards ont été reconstitués du fait de la crise et de l’absence d’aide suffisante.

Pour 2021, la dette devra atteindre 36,2 milliards d’euros au 31 décembre pour revenir dans la trajectoire du Pacte, soit un excédent de 1,9 milliards à dégager !

  • Emplois- 2 958 en 2020. Au moins - 3 000 pour 2021, soit un très fort accroissement des suppressions d'emplois depuis la réforme de 2018. La suppression d'effectif n'est pas du tout corrélée à un besoin de production, mais uniquement aux besoins économiques. Il faut noter que ces suppressions ont un faible effet budgétaire (- 150 à - 180 millions d’euros de masse salariale auxquels il faut soustraire les factures d'externalisation de certaines tâches). Cette casse de l'emploi a en revanche un impact très néfaste sur le service public (désertification des gares et des trains, diminution de l'entretien, baisse de réactivité, ...) ;
  • Investissements3,7 milliards d’euros ont été réalisés en 2020 (- 1,6 milliard par rapport à 2019). La régénération de l'infrastructure est impactée à hauteur de – 200 millions et n'atteint pas le niveau préconisé par les différents rapports (2,5 milliards réalisés en 2020, contre 3 milliards nécessaires pour stopper la dégradation). Pour 2021, les investissements rebondissent à 4,3 milliards, mais cela ne concerne que la relance des grands projets et pas la régénération.

Nota bene concernant la régénération des voies : l’âge moyen en Allemagne est de 17 ans, il est de 29 ans en France ! Les moyens alloués à la régénération (entre 2,5 et 2,8 milliards d’euros par an) ne sont même pas suffisants pour stopper le vieillissement. La baisse de l’âge moyen (- 0,3 ans en 2019) n’est obtenue que par les fermetures de lignes les plus anciennes (UIC 7 à 9 qui ne sont utilisées que par le Fret et dont l’âge moyen est de 70 ans) et l’ouverture de nouveaux tronçons de LGV. Par ailleurs, cette statistique ne tient pas compte d’autres composantes de l’infrastructure (signalisation, caténaires, sous-stations électriques, etc.). Les réformes de 2014 et 2018 n’ont donc absolument RIEN réglé concernant la problématique de l’infrastructure ferroviaire. Différentes mesures sur les petites lignes permettent au Gouvernement d’avancer masquer sur la véritable politique qu’il met en œuvre : l’attrition du réseau. C’est également la logique que défend la direction SNCF (concentrer les moyens existants sur moins d’infrastructures), ce qui se traduit par l’abandon d’entretien sur les voies de service ou la fermeture de lignes uniquement dédiées au Fret par exemple.

  • Cessions d'actifspour s'en sortir, le groupe SNCF est contraint de vendre le patrimoine public. En 2021, la filiale Ermewa devrait être vendu pour 2 milliards d’euros.

Nota bene : 7 candidats ont été retenus et parmi eux, aucun opérateur ferroviaire, uniquement des fonds de pension ou gestionnaires d'actifs. Cela pose problème en matière de stratégie ferroviaire nationale, car Ermewa est l'un des plus gros loueurs de matériel fret d'Europe. Lorsqu’il est totalement racheté par la SNCF en 2010, il possède 10 000 wagons. L’entreprise publique lui transfert l’intégralité des wagons de Fret SNCF à la valeur nette comptable (c’est-à-dire rien). Ermewa est aujourd’hui propriétaire de 40 000 wagons de 350 types différents. Concernant l’industrie française, il assure des commandes régulières à l’un des derniers fabriquant français (INVEHO).

Pour 2022, la vente de 1 milliard d’euros d'immobilier serait envisagée. Et pour 2023, 50 % de Geodis (bien que la direction SNCF y soit hostile, car Geodis sort de la crise avec un CA de 8 milliards et une marge opérationnelle positive, C’est donc un actif rentable).

Propositions

Le plan de relance est l’occasion d’aider l’entreprise publique à faire face à la crise financièrement, tout en lui demandant d’améliorer le service public.

  • Pour SNCF Réseau : pérenniser une subvention de 600 millions d’euros par an pour supprimer le mécanisme du dividende de SNCF Voyageurs, et attribuer une subvention supplémentaire pour dépasser les 3 milliards d’euros d’investissement de régénération de l’infrastructure afin de réellement améliorer la situation (le scenario 3 du rapport du COI proposait 3,6 milliards).
  • Pour SNCF Voyageurs : attribuer une subvention pérenne pour créer de nouvelles offres ou améliorer le service public (convention TET pour relancer les radiales et transversales de jour et de nuit, partenariat avec les régions pour développer l’offre TER, création de solutions FRET ferroviaires sur des marchandises qui ne sont pas actuellement transportés par train, etc.). Cela permettrait d’amortir la baisse d’activité du TGV.

2. Situation spécifique du fret

  • Même débarrassé de sa dette à l’occasion de la création de la SAS au 1er janvier 2020, le Fret SNCF est toujours en situation de déficit. Les fonds propres transférés sont déjà quasiment consommés. Les subventions créées par le Gouvernement améliorent le résultat économique, mais pas encore suffisamment (MOP 2020 = - 41millions d’euros). Des décisions très loin d’une relance sont donc prises (vente de 100 locomotives sur les 550 utilisées, vente de la moitié du patrimoine immobilier restant, suppression de 600 emplois dont 120 agents de conduite, etc.).
  • Stratégie probable : survivre jusqu’aux présidentielles pour que le Gouvernement ne soit pas entaché, et ensuite liquider Fret SNCF, reprendre les marchés rentables avec Captrain (filiale SNCF de droit privé) et accroître le dumping social.
  • Toutes les EF sont dans la même situation : ECR (filiale de la Deutsche Bahn) prépare un nouveau PSE dans lequel elle va se débarrasser de toutes ses fonctions transverses (frais de structures) pour devenir uniquement une société de production. C’est la DB qui assurerait directement les démarches commerciales et administratives. Il s’agit probablement d’une stratégie d’optimisation et de recapitalisation déguisée. Le Gouvernement français valide de fait ce modèle puisqu’il a modifié par décret les conditions d’attribution des certificats de circulation afin de permettre à ECR de conserver le sien.
  • Perpignan-Rungis : malgré la demande, la loi du marché ne fonctionne pas et aucun opérateur n’a remplacé la SNCF sur le transport des primeurs de Perpignan à Rungis. Avec la bataille politique menée, le Gouvernement a donc été contraint de publier un appel à manifestation d’intérêt (AMI) en décembre 2020.

Point positif : cela prouve que la puissance publique est l’élément déterminant de la relance du FRET. Il faut donc maintenant lui mettre la pression sur toutes les autres dessertes comme le propose la CGT avec son objectif de « 1 000 Perpignan-Rungis ».

Point négatif : on reste dans les mécanismes de concurrence, notamment avec une gestion ligne par ligne. Ne bénéficiant pas « d’effet réseau », le train du retour sera difficile à remplir, ce qui limite l’efficacité. La réussite de cette relance passe uniquement par une massification des aides publiques (l’AMI propose une subvention d’investissement, une subvention d’exploitation et toute autre subvention qui sera jugée nécessaire !).

3. Suites de la réforme de 2018

  • Petites lignes : leur sort avait été immédiatement écarté de la réforme suite à la polémique créé par le rapport Spinetta, qui proposait d’en supprimer une grande partie.

    - En 2019, l’article 172 de la Loi d’Orientation sur les Mobilités (LOM) permet de transmettre la gestion des lignes à l’autorité organisatrice. Le scénario actuel travaillé par le Gouvernement prévoit :

     - Le transfert de 14 lignes dans le réseau dit « structurant » intégralement à la charge de SNCF Réseau (qui fait l’objet des 0,25 milliard d’euros de recapitalisation - voir point 1) ;

    - Le maintien dans la situation actuelle d’un tiers des lignes (dont l’entretien et la régénération sont financés par les Contrats de Plan État-Région) ;

     - Le transfert des lignes restantes aux régions qui le souhaitent (qui en assumeraient donc en totalité la gestion) ou leur fermeture.

Pour la CGT, il s’agit d’un piège qui vise à faire valider aux collectivités l’abandon du caractère stratégique d’une partie du réseau. C’est également une menace d’atomisation du Réseau ferré national qui aurait beaucoup de conséquences négatives, notamment pour la sécurité des circulations.

 

  • Mise en concurrence :

 

  •  TGV : fin de la péréquation, donc menace sur toutes les liaisons qui sont jugées non rentables. La Covid a permis de justifier de nombreuses suppressions de trains ou d’arrêts qui ne reverront probablement jamais le jour. Une réflexion est engagée par la SNCF pour transférer les trajets sur le réseau classique sur le TER, ce qui pourrait remettre en cause la desserte de dizaines de villes moyennes.
  •  TET : l’appel d’offre Bordeaux-Nantes-Lyon (BoNaLy) a été déclaré infructueux par le Gouvernement alors que la SNCF restait seule en lice.

Un avenant à la convention TET doit être signé pour maintenir les dessertes au titre de l’année 2021. Il n’est toujours pas validé à ce jour.

Parallèlement, une nouvelle convention est en discussion pour la période 2022-2027, avec une clause de revoyure en 2024. Elle inclue la relance de 2 lignes de nuit (Paris-Nice et Paris-Tarbes), ce qui signifie que celles-ci ne seront pas relancées en 2021, contrairement aux promesses, et que la relance de 10 lignes au total n’est que de l’affichage politique.

Nota bene : le processus juridico-administratif pour monter le dossier de candidature sur BoNaLy aurait coûté à la SNCF 2 millions d’euros. C’est une somme considérable. En cas de généralisation du processus de mise en concurrence, ce coût pourrait être multiplié par le nombre de candidats et d’appels d’offre qui seraient organisés dans chaque région. La mise en concurrence est donc un processus coûteux ;

  • TER : les processus d’appel d’offres en PACA, Grand Est et Hauts de France se poursuivent. Les premiers éléments montrent des marchés taillés sur mesure pour attirer la concurrence (construction d’ateliers d’entretien dédiés, arrivée de matériel neuf, etc.). Tout est fait pour que la SNCF ne postule pas directement, mais par le biais de filiales. La RATP a annoncé également la création de filiales dédiées à la réponse aux appels d’offres. La concurrence se résumera donc à un oligopole de 4 ou 5 groupes à capitaux publics nationaux (SNCF, RATP, Transdev) ou internationaux (Arriva, filiale de DB, Thello, filiale de Trenitalia, etc.). La multiplication de filiales donnera l’illusion d’une concurrence plus vaste pour servir le marketing politique libéral dans un jeu largement pipé.

 

  •  Statut social : l’ambiance interne est toujours marquée par la souffrance au travail et se traduit par des dépressions, des suicides et de plus en plus de démissions. Le cadre social de haut niveau promis par le Gouvernement en 2018 n’existe pas et ne fait pas partie de la feuille de route de l’UTP ou du Ministère des transports.

 

Le Comité de vigilance

vigilancerail@gmail.com

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