15 Décembre 2021
Ouverture à la concurrence en Normandie : un choix purement idéologique !
Pas sûr que les usagers et les contribuables s’y retrouvent.
Depuis son arrivée à la tête de la région, M. Morin a commencé par supprimer des trains sur Argentan-Granville puis sur Caen-Rennes avec l’intention de remplacer 5 allers et retours sur Caen -le Mans - Tours par des bus. Le tout, accompagné d’un premier projet d’ouverture à la concurrence dès 2018 réitéré en 2020. D’ailleurs, il a été un fidèle soutien à la loi LOM en 2018 (loi sur les mobilités) qui a consacré la fin de la SNCF comme entreprise intégrée avec la création de 5 Sociétés anonymes, prélude au démantèlement du service public pour faciliter l’arrivée de la concurrence. Plusieurs mobilisations en 2018, 2019 et 2020 des cheminots et de notre collectif, d’autres associations et d’ élus ont permis de faire reculer M. Morin sur son plan de casse. Certes des investissements ont été faits sur la Région, mais c’est au détriment de l’emploi et de la qualité des services rendus. La direction SNCF s’est faite la principale alliée de cette stratégie économique. Le nombre de guichets supprimés en témoigne ainsi que les 125 suppressions d’emplois qui en résultent. Pire, pour faire avaler la pilule, il avait été promis et mis en place des services de vente dans des syndicats d’initiative. Ces derniers disparaissent les uns après les autres comme à Villedieu et Avranches, obligeant ainsi les usagers à faire 30 km pour acheter un billet. Politique d’exclusion sociale et territoriale qui empêche l’accès au train pour tous.
Sur le volet humain, la casse du service public avec l’éclatement de la SNCF et la fin du statut de cheminot, la suppression d’effectifs avec la gestion par activité et par société anonyme conduisent à des pertes de savoir-faire. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la qualité de service. L’absence de perspective conduit à de nombreuses démissions et montre que l’on s’éloigne du projet d’un grand service public qui intègre la cause environnementale avec la volonté de rendre le train accessible à tous, condition indispensable pour permettre une cohésion d’ensemble sociale et territoriale.
Au moment où la campagne présidentielle s’enfonce pour certaines formations de droite dans les méandres nauséabondes de l’exclusion, d’autres pour bien marquer leur territoire, toujours bien à droite au plan des choix économiques, sont dans une sorte de course à l’échalote pour rassurer le camp libéral sur leur capacité à démanteler les services publics, voire à supprimer 200 000 emplois de fonctionnaires. Pour ce qui est du ferroviaire, il s’agit de livrer les lignes souvent les plus rentables aux appétits des financiers grâce à l’ouverture à la concurrence, tout en laissant celles qui sont déficitaires à la SNCF. C’est ainsi que M. Muselier de La Région PACA a opéré pour Nice-Marseille en offrant cette ligne à TRANSDEV, alimenté par de nombreux cadeaux en termes d’investissement et de fonctionnement (matériel et atelier neufs pour 270 millions d’€, subvention de 50 millions par an et majoration du prix du kilomètre de 30% de 15 à 20 €).
Sur d’autres Régions, certains appels d’offres n’ont pas été couverts car ils ont été jugés insuffisamment rentables. En clair, si M. Morin veut concéder une ligne au privé, il faudra qu’il mette la main au portefeuille pour satisfaire les exigences des multinationales du transport. Dans le même temps, il se présente comme soucieux des deniers publics en exigeant la suppression de contrôleurs de trains sur la ligne Rouen-le Havre et Rouen-Dieppe pour réaliser des économies à cause de la COVID, faisant fi de la sûreté et la sécurité à bord des trains. On aura tout vu !
Sera-t-il aussi soucieux de l’argent public pour satisfaire les exigences de rentabilité des groupes privés. Ou bien, sa stratégie, consiste-t-elle à faire financer l’ensemble des modernisations du réseau, du matériel et des gares avec l’argent public pendant toutes ces années pour mieux livrer une partie des lignes bas Normandes au privé ? C’est la stratégie que propose le gouvernement par la voix de son Premier Ministre avec l’annonce du plan de régénération de 9000 km de lignes afin de les ouvrir à la concurrence. D’ailleurs, dans la convention signée par M. Morin avec la Région des Pays-de-la-Loire, cette hypothèse est contenue en germe quand il est écrit que chaque région pourra choisir ses opérateurs, sous-entendus privés.
L’annonce faite par la Présidente des Pays-de-la-Loire pour faire circuler sur Caen-Tours des trains à hydrogène s’inscrit parfaitement dans cette stratégie puisqu’elle prévoit de concéder ce projet au secteur privé. En fait, il s’agit de faire passer un pseudo verdissement d’un moyen de transport par un vrai cadeau à une entreprise privée. Au lieu de cela, il serait peut-être plus pertinent que les sommes engagées représentant plusieurs centaines de millions d’euros servent à l’électrification de l’axe Mézidon-le Mans-Tours. Cela permettrait d’uniformiser l’utilisation du matériel et serait de nature à optimiser les investissements tout en contribuant également à faire circuler des trains de fret du Nord au Sud sans changer de locomotive.
Le plus surprenant, c’est que leur mentor en termes d’ultralibéralisme, Boris Johnson, après avoir mesuré l’ampleur des dégâts de cette politique, annonce la fin de la privatisation au Royaume-Uni et opère la renationalisation du réseau et la création d’une nouvelle entreprise publique New Public Railways.
La Suisse, après une étude sur la faisabilité de l’ouverture à la concurrence, a conclu à l’inefficacité d’une telle mesure et garde son service public. La Belgique vient de faire valoir l’article 5 du règlement européen OSP pour maintenir son entreprise ferroviaire dans le giron public. En Allemagne, ABELIO compagnie privée a jeté l’éponge en laissant plus de 3000 salariés et une région entière sans train, obligeant ainsi la DB à reprendre le personnel et les services qui ne sont plus effectués. D’autre part, TRANSDEV dans plusieurs pays a mis fin à ses contrats, faute de rentabilité suffisante.
Pourquoi alors singer des choix politiques qui ont surtout démontré qu’ils ne sont pertinents ni au niveau économique, ni au niveau social pour prendre du retard par rapport aux enjeux essentiels qui sont ceux liés à l’avenir de la planète en lien avec le réchauffement climatique. Ce qui commande, aujourd’hui, d’avoir un vrai projet de développement du service public : un projet capable de mobiliser toutes les énergies pour mettre un frein à toutes les catastrophes qui s’accumulent et empirent au fil du temps.
Peut-on se satisfaire que l’avenir se limite à rationner l’utilisation du train ou à continuer à faire circuler des bus par pure économie quand tout devrait conduire à investir dans le réseau et l’achat de nouveaux matériels pour augmenter la fréquence des trains sur l’ensemble des lignes afin de mieux desservir les territoires. Cela exige au contraire d’investir massivement et cela ne peut se limiter aux seules régions, l’État doit être l’élément planificateur et le principal financeur.
Le collectif citoyen prendra toute sa part pour continuer à défendre le service public ferroviaire et continuera à faire des propositions pour son développement. Il continuera à mobiliser, citoyens, usagers, associations et les élus pour s’opposer à toute volonté de livrer nos lignes aux intérêts privés.
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