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Ce blog sert de journal à notre collectif citoyen créé à Argentan (Orne) par des cheminots et des usagers pour la défense du service public ferroviaire dans le sud Normandie. Il rend compte des déclarations, des actions de ce collectif auprès de la population et des élus. Il présente aussi des réflexions pour la défense du service public.

Quel sens donner à l’action des dirigeants de la Région Normandie sur le transport ferroviaire ?

Quel sens donner à l’action des dirigeants de la Région Normandie sur le transport ferroviaire ?

Quel sens donner à l’action des dirigeants de la Région Normandie sur le transport ferroviaire quand l’alpha et l’oméga de leur politique se poursuit dans la fuite en avant libérale ?

Prendre prétexte que la SNCF n’a pu réaliser ses objectifs pendant la période de la COVID en 2020 et 2021 pour ouvrir à la concurrence n’est pas la démonstration d’un courage exemplaire de la part de ceux qui dirigent la Région et qui ont toujours affiché leur choix majoritairement pour les idées libérales. Se réfugier derrière les directives européennes et la soi-disant obligation de la Loi d’Organisation des Mobilités (LOM) pour commencer, dès 2023, à ouvrir par lots à des opérateurs privés relève du même ordre. Ceux qui sont aux commandes ont toujours soutenu les politiques ultralibérales et invoqué  l’Europe de la concurrence libre et non faussée. S’ajoute à cela le mensonge : en effet, rien n’oblige d’ouvrir à la concurrence le « marché ferroviaire » avant 2030. D’ailleurs, d’autres Régions ont fait le choix inverse, comme l’Occitanie. Occitanie qui n’hésite pas à rouvrir des lignes, à augmenter le nombre de circulations et à appliquer une tarification sociale pour encourager à prendre le train. En Normandie, le train devient plus une variable d’ajustement budgétaire à l’instar des 18 trains supprimés sur Paris Rouen-Le Havre et Paris-Caen-Cherbourg. Situation qui s’avère être la poursuite d’une politique de réduction des coûts qui a commencé par les suppressions de trains TER sur Dreux-Granville et Caen-Rennes puis sur Trouville-Dives Cabourg bien que la ligne ait été rénovée. L’avenir envisagé étant celui des bus ! Situation évitée sur Caen Tours grâce à une mobilisation des usagers, des élus et des citoyens. Cependant, des bus continuent à y circuler en limitant les dessertes souvent à un ou deux arrêts contre 8 à 10 par le train.

Autres contributions aux économies budgétaires, les fermetures de guichets qui constituent une véritable atteinte au service public et au droit au transport pour tous alors que près de 30% de la population ne disposent pas de moyens numériques de paiement, soit n’ont pas internet, soit ont des difficultés à se servir de l’outil numérique. Ces fermetures se sont soldées également par la disparition de 150 emplois sur notre région. Ajoutons la création de situations ambiguës, par la mise en place de pseudos consignes de tolérance sur l’accueil à bord des trains quand, contrairement à ce qui est affirmé, de nombreux usagers se font taxer avec un tarif de bord majoré. Les exemples ne manquent pas.

Au prétexte qu’après la COVID le taux de remplissage n’était pas revenu au niveau antérieur - ce que démentent d’ailleurs certains chiffres donnés en conférence d’axes -, la Région décide de supprimer 18 trains sur Paris-le Havre et sur Paris-Cherbourg, ce qui a porté un coup au développement de l’économie des territoires les plus éloignés sur ces axes. En effet, au moment même où la SNCF battait tous les records d’affluence cet été, la démonstration a été faite avec le Paris-le Mont-St Michel qui, bien que ne circulant que durant les deux mois d’été au lieu de 4 mois précédemment, a connu une fréquentation record. Or, avec 25 millions de billets vendus par la SNCF au niveau national, la suppression des circulations a en partie éloigné les territoires normands de cette dynamique et leur a fait perdre en attractivité touristique.

Tout en supprimant des circulations de train, est également à la mode le fait de repeindre en vert certaines opérations. Ainsi, on a droit à l’huile de colza pour les Régiolis. Qu’en est-il du bilan carbone, des pesticides utilisés pour ces cultures accompagnées d’engrais azotés dont la production de protoxyde d’azote est 300 fois plus polluante que le gaz carbonique ? Quant au coût, voire au surcoût, n’en parlons pas, il y aurait de quoi financer de nombreux emplois dans les guichets. Mais il s’agit de caresser dans le sens du poil le lobby de l’agrobusiness.

Dans le même temps, concernant la question environnementale, face à l’urgence climatique, le choix politique est au fond celui d’un autre temps. La majorité régionale décide de continuer à financer des projets routiers de plusieurs centaines de millions comme le contournement de Rouen pour ne parler que de celui-ci. Ce qui ajouterait de la pollution à la pollution dont les effets délétères ne vont qu’accroître les problèmes de santé publique rencontrés déjà très présents dans l’agglomération rouennaise.

Dans la même veine, est affichée la volonté de poursuivre la mise en 4 voies de Sevrai-Briouze dans l’Orne, nécessitant de lever des fonds de plusieurs dizaines de millions quand il n’est toujours pas prévu de remettre en double voie la ligne entre Argentan et Briouze. Mise en double voie qui simplifierait et améliorerait le passage des trains, permettrait de dynamiser les dessertes.

Le réseau ferré en France a une moyenne d’âge de 35 ans, les lignes normandes n’y échappent pas. Cependant cette situation est la résultante du désengagement continu de l’État, des politiques qui ont conduit les affaires du pays dans les précédentes décennies. La responsabilité en incombe à ceux dont la préoccupation politique a été d’une part de démanteler le service public ferroviaire tout en réduisant à néant les acquis des cheminots, d’autre part de favoriser les multinationales routières qui se sont portées acquéreuses des concessions autoroutières en 2005 et qui depuis, ont récolté plus de 36 milliards de profits. Redistribués en dividendes, les péages, qui devaient initialement servir à alimenter l’AFIFT (Agence de Financement des Infrastructures de Transport en France), font cruellement défaut pour l’entretien et la modernisation du réseau ferré et routier.

Du fait des différentes réformes, la Région est sollicitée financièrement pour le financement des infrastructures ferroviaires pour certaines lignes à hauteur de 50 % notamment pour Paris-Granville et en totalité pour Lison-Dol et bien d’autres, ce dont elle ne cesse de se plaindre tout en revendiquant par ailleurs ses prérogatives d’Autorité en matière de transports notamment ferroviaire. Dans ce contexte, quel avenir pour ce tronçon de ligne lorsque la volonté affichée est de ne pas augmenter les relations vers Rennes. A l’inverse, renforcer les liaisons Granville-Rennes permettrait de désenclaver ces territoires et rendrait un vrai service à leurs habitants.

Aussi, revenons à cette volonté politique de la majorité régionale d’ouvrir l’étoile ferroviaire de Caen à la concurrence. Il est difficile d’admettre que ce qui est refusé aujourd’hui, notamment l’augmentation des circulations entre Caen et Alençon, puisse devenir demain un potentiel de développement profitable pour un opérateur privé. Pourquoi refuser l’amélioration de l’offre maintenant si ce n’est en raison d’un choix idéologique de favoriser plus tard les profits de ces entreprises privées ? En effet, à la lumière de ce qui se fait dans la région PACA, par des financements publics et des subventions de tous ordres, le nouvel opérateur bénéficiera d’un atelier et de matériel neuf à hauteur de 250 millions, et le prix du Km-TER train est majoré de 20% par rapport à la SNCF. Tout cela à la charge des usagers/contribuables. Il est fort probable qu’en Normandie, s’il y a création de trains, il faudra bien les financer et payer l’opérateur en fonction des kilomètres parcourus. Le principe même des entreprises privées est de servir les actionnaires. Pour rappel en PACA, la décision a été prise de supprimer tous les avantages liées aux cartes sociales et autres types abonnements.

Cependant, tout en appelant la concurrence de tous leurs vœux, d’aucuns pensent que, quel que soit l’opérateur, du moment que l’on a un train (conviendra-t-il d’ailleurs?), le reste importe peu. Oubliant qu’en matière d’ouverture à la concurrence en Europe, sans parler de l’explosion tarifaire comme en Grande-Bretagne, quand les opérateurs sont défaillants ou ne veulent plus poursuivre leurs missions, leurs trains s‘arrêtent de circuler ou doivent être repris par l’entreprise historique.

Au contraire, l’engagement citoyen dépasse la notion de marchandisation des services et ne se limite pas à comparer les prix au seul bénéfice du consommateur. Dans le contexte présent, il n’est que les différents collectifs citoyens, certains «élus» et les organisations syndicales cheminotes pour s’opposer au projet de casse du service public. Le collectif n’est pas une association de consommateurs comme une autre. En effet, il prend en compte les fondements républicains inscrits dans la Constitution du droit au transport pour tous, garant de la cohésion sociale et territoriale. Il veille également au respect des conditions sociales des salariés et s’oppose à toute dégradation des conditions de l’exercice de leurs métiers qui ne peuvent pas être sans conséquence sur la sécurité des circulations et la sûreté des usagers.

N’a-t-on pas l’expérience du fret et sa catastrophe économique ? Regardons aussi ce qui se passe dans le transport routier livré aux pires excès.

Ces gabegies devraient servir de leçon !

Enfin, l’aménagement du territoire doit servir à irriguer l’ensemble des villes moyennes ou plus petites en mettant en place une alternative crédible au tout routier, c’est-à-dire favoriser un transport vertueux, comme le rail, pour son respect de l’environnement. La réponse n’est pas du côté des multinationales, mais dans la reconstruction d’un grand service public ferroviaire intégré qui prenne en compte l’ensemble des données économiques, sociales et environnementales. Le rapport du GIEC préconise de développer les trains du quotidien, TER et Inter-cités de manière conséquente, ce qui est du ressort d’une politique nationale et non d’entreprises privées.

La France brûle : plus de 72 000 hectares de forêt sont partis en fumée cet été. Il est temps de changer de paradigme : il est plus qu’urgent de prendre les décisions adéquates car l’addition de catastrophes pourrait être lourde de conséquences irréversibles pour toutes les formes de vie sur notre planète.

La mobilisation citoyenne avec les organisations syndicales, les associations environnementales, les élus, et les citoyens, peut et doit faire bouger les lignes pour redonner du sens à une politique de transport cohérente et adaptée aux besoins des populations en réponse aux défis économiques et sociaux qui ne peuvent s’abstraire de la dimension écologique.

 

Philippe Denolle

Président du collectif citoyen

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